Le poison dans le vin
Le premier chapitre de mon nouveau roman Le Cercle des illusions 💫
Ceci est le premier chapitre du roman Le Cercle des illusions, que je publierai exclusivement sur Substack, pour bien comprendre, je te conseille de lire le prologue juste ici ↓
Orphea affrontait les pupilles claires de l’homme en costume devant elle. L’injure qu’il venait de lui faire en menaçant son Académie de magie palpitait encore dans ses tempes, et elle dû serrer les poings - et se souvenir de la présence de tous ses élèves autour d’elle - pour s’empêcher de déverser sur lui sa magie la plus destructrice. Rien ni personne n’avait le droit de menacer cette école, ce pour quoi elle s’était battue tant d’années. Encore moins après tout ce qu’ils venaient de vivre.
Comme pour l’y encourager, Erwan posa une main maîtrisée sur son bras. Elle put presque entendre son sourire factice lui susurrer que ce type n’en valait pas la peine. Ce qui était sans doute vrai.
Elle se força à répéter mentalement son nom, Cyrus Evatore. Jamais entendu parlé.
— Monsieur Evatore, rebondit Erwan d’une voix enjouée, pas la peine de prendre ce ton avec nous. Je vous rappelle que vous êtes sur une île farouchement gardée et face à ce qui est sans doute la plus grande sorcière de sa décennie.
L’homme pouffa, ni impressionné par le discours, ni par la rage liquide brillant dans les yeux d’Orphea qu’il ne cessait de dévisager.
— On raconte pourtant que cette école est sur le déclin, et que sa directrice aussi, fit-il avec une insolente insistance.
— Vous êtes trop présomptueux si vous écoutez les ragots.
— En fait… Je ne viens pas tout-à-fait pour le plaisir, éluda l’homme.
Il ouvrit sa veste beige clair pour tirer de la poche intérieure une lettre cachetée. Orphea fronça les sourcils.
— Je ne sais pas si vous avez entendu parler du Conseil de l’Ordre…
— Non, coupa net la sorcière.
— Voyez-vous, continua Evatore en lui tendant la lettre, ce conseil dont je suis, ainsi que ma femme, l’un des membres fondateurs, a été conçu pour organiser et réguler la sorcellerie sur le territoire italien, et en particulier toscan, où, vous devez le savoir, les écoles pullulent.
— Je ne le sais pas.
Il secoua le bout de papier comme pour inciter Orphea à le prendre. Avec deux doigts dégoûtés, la directrice céda. Pendant qu’elle décachetait sans pitié la lettre, Evatore reprit.
— Nous engageons cette année une refonte générale de l’enseignement sorcier, et cela passe, comme vous le lirez ici, par une inspection de toutes les écoles.
Les yeux d’Orphea dévalaient les gribouillis dactylographiés. Erwan était penché sur elle pour en faire de même. C’est lui qui hoqueta le premier de surprise.
— Comment ça « un suivi des enseignants en fonction » ?
— Si vous avez l’amabilité de nous accueillir, ma femme et moi passerons avec vous les prochaines semaines pour superviser vos cours et vérifier que tout est conforme.
Son ton mièvre indiquait tout l’inverse, mais Orphea se retint de le relever. Elle glissa un coup d’œil à Erwan, qui semblait tout aussi perplexe qu’elle, quoiqu’il ne le montrât pas plus. Il fallait le connaître intimement pour identifier l’inquiétude dans le plissement subtil de sa lèvre inférieure. Orphea balaya d’un regard le parc de son Académie, et tous les élèves qui savouraient leur fête de fin d’année, leurs verres de vins à la main et hésita encore à souffler l’homme dans la mer d’une violente bourrasque magique. Elle n’avait jamais entendu parlé d’un tel Conseil, ni d’un quelconque Ordre, et encore moins d’une tentative de régulation de la magie. Ça ne lui plaisait pas du tout, néanmoins, si cet homme disait vrai - il ne fallait pas exclure que tout ça soit un mensonge - elle n’avait pas d’autre choix, pour préserver son école, que de se conformer à ses attentes.
— Je ne parlerai pas d’amabilité en ce qui me concerne, siffla-t-elle. Erwan s’assurera de vous trouver une chambre avec vue sur la mer.
Elle allait faire demi-tour pour se terrer dans son bureau, à l’abri des doutes et du soleil, quand elle eut envie d’ajouter.
— Oh, et prenez garde si vous vous baladez sur la côte, les vagues ont tendance à emporter tout ce qui n’est pas bien accroché.
Il fallut un temps à Evatore pour comprendre la menace à demi voilée dans les mots d’Orphea. Son sourire se rigidifia, comme s’il ne s’était pas attendu à rencontrer l’obstacle de l'insoumission de la directrice. Et c’est néanmoins d’un ton toujours aussi faussement radieux qu’il commenta.
— Oh ne vous en faîtes pas, je suis tout-à-fait accroché.
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